synopsis

J’ai commencé à tourner dans la nature en 2006 : rivières, étangs, prairies, arbres, forêts, nuages. Des études pour capter la splendeur de ce monde muet. Un carnet de notes cinématographiques sans projet de film. J’affinais mon regard et progressais dans mon apprentissage d’opérateur image et son.

Deux ans plus tard, un jour d’été, j’étais au volant de ma voiture, à la recherche d’un chêne, quand j’ai aperçu un terrain vague d’une saisissante harmonie de formes et de couleurs. Ce fut comme un coup de foudre. Ce petit terrain rectangulaire était limité par des champs cultivés, une route cantonale et une autre menant à une gravière. J’avais là une unité de lieu qui me donnait la possibilité d’un film.

Pendant 6 mois, de juillet à décembre 2008, j’ai filmé ce bout de terre en essayant de le comprendre et en cherchant quelle forme donner au film. Je ne voulais pas faire un film « nature », avec commentaire explicatif. Alors quoi ? Peu à peu s’est dessiné le rêve d’un poème cinématographique.

Je me suis vite heurté aux difficultés de réalisation. Pas de scénario ni d’histoire au départ. Pas de personnages, pas d’animaux ou si peu, donc pas d’identification possible. Avec ça, le piège toujours tendu de la jolie image et de faire un diaporama au lieu d’un film. Comment dépasser le visible pour atteindre les forces à l’œuvre derrière les apparences ?

Mais la fréquentation quasi-quotidienne du terrain m’a amené pas à pas, touche après touche, à concrétiser mon rêve. Je me suis laissé inspirer par cet espace, happer par ce que je voyais et entendais, par la richesse infinie de la nature. C’est dans la relation avec le terrain vague, au fil des surprises, que l’histoire a pris forme. Une étape capitale fut le moment où j’ai compris qu’il fallait ajouter à cette unité de lieu une unité de temps. Au début 2009, j’ai alors commencé un nouveau tournage avec l’intention d’inscrire cet espace dans un cycle complet de la nature, d’un hiver à un autre.

Techniquement j’ai suivi quelques règles simples :
- ne jamais filmer le terrain depuis l’extérieur de ses limites
- pas d’effets, d’accélérés, d’objectifs macro, de steadycam, ni d’éclairage artificiel
- une caméra à hauteur d’homme, souvent en plan fixe
- tourner les plans de manière à ce qu’ils forment une séquence qui tienne sur une seule journée
- la durée des plans doit procéder de la nature et des lois de la vision, le moins possible des codes culturels dominants
- la grande majorité des sons directs étant parasitée par des bruits intempestifs (camions, voitures, avions, motocross), les refaire pendant le temps du montage
- pas de commentaire, car il réduirait la multiplicité des lectures possibles.